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Peu après l’indépendance du Sénégal, Fatou Sow est l’une des premières africaines francophones à accéder à l’université. Elles étaient deux jeunes filles dans un amphi de 300 étudiants, raconte-t-elle. Assumer son statut de femme et d’intellectuelle n’a pas été sans embûches alors que l’accès des femmes à l’instruction était encore très rare et les préjugés machistes à leur égard bien ancrés. Elle a néanmoins mené à bien, et avec beaucoup de succès, après une thèse sur les élites sénégalaises, une carrière de chercheure en sociologie. C’est Pierre Fougeyrollas, disparu récemment, qui le premier l’a incitée à emprunter la voie de la recherche, l’a soutenue et encouragée dans ses premiers travaux et a facilité son entrée au cnrs. Progressivement, ses échanges scientifiques avec des collègues d’autres pays l’amènent à s’intéresser aux études sociologiques sur la question du statut des femmes et elle devient une militante féministe convaincue. Il fallait beaucoup de détermination dans une Afrique bien peu encline à reconnaître la légitimité de la lutte pour l’égalité entre les sexes.

Parallèlement à ses enseignements à l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar, elle contribue, à la fin des années 1980, à la création, d’enseignements sur les questions de genre au Conseil pour le développement des sciences sociales en Afrique (Codesria). En 1999, elle organise, toujours à Dakar, le deuxième colloque de la recherche féministe francophone qui remporte un grand succès en attirant à la fois des scientifiques africains et des participants d’autres continents. Depuis 1993 elle mène de front une carrière d’enseignante à Dakar et de chercheure au cnrs, à l’Université René Diderot, dans le laboratoire « Société en développement dans l’espace et dans le temps » (sedet), fondé par Catherine Coquery-Vidrovitch. Au fil de sa carrière, par ses écrits, ses interventions dans de nombreuses arènes internationales elle a contribué à ancrer les questions de genre dans les institutions de recherche et les universités africaines, mais aussi à faire connaître dans les milieux internationaux les richesses et les attentes des femmes africaines et de leurs associations. Les partenariats qu’elle a développés avec des universités américaines au tournant des années 1990 lui ont permis de tisser des liens efficaces entre féministes africaines des deux aires linguistiques, francophone et anglophone. Elle exerce des responsabilités dans plusieurs réseaux féministes, notamment comme coordinatrice pour l’Afrique de l’Ouest du réseau « Femmes sous lois musulmanes » et du « Development Alternatives for Women in a New Era » (dawn), un puissant organisme de lobbying auprès des institutions internationales.

Le parcours de Fatou Sow témoigne à la fois de son engagement déterminé et des obstacles sans cesse résurgents que rencontrent les femmes, en Afrique, pour faire leur place comme intellectuelles, cela plus encore lorsqu’elles s’attaquent à la dénonciation des inégalités sexuées.

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